Antoinette K. Kankindi
Nairobi, 13/09/07
C'est l'autoproclamé "ministre de guerre" qui ne cesse de fulminer les velléités belligérantes de Kinshasa aux micros des journalistes adeptes à tirer leur emploi des situations catastrophiques peu importe l'intensité des souffrances humaines qu'elles comportent. Un autre autoproclamé porte-parole, cette fois-ci de celle communément appelée la fille aînée de l'opposition, lui emboîte le pas en suggérant au gouvernement un stratagème pour aller plus vite en besogne : donner la nationalité congolaise aux FDLR pour ainsi combler automatiquement les limites des FARDC. Est-ce de l'ironie ou de la simple mauvaise foi, franchement difficile à dire. De toutes manières cette solution serait aisée à mettre en pratique tant et si bien que les FARDC comptent déjà sur les FDLR lourdement. N'empêche qu'elle relèverait de l'absurde le plus aberrant, et comme dit l'ancien Vice Président N'Zahidi Ngoma, victime lui aussi des décisions aberrantes du pouvoir, on est aux manœuvres typiques de république bananière, tous les coups semblent être permis, même les plus scandaleux tel que l'association d'un gouvernement à des forces génocidaires. N'avons-nous déjà pas des leaders portant une double nationalité dans les nouvelles institutions de la RDC grâce à un moratoire expiré depuis belle lurette ?
De toute évidence le ministre de la défense transmet le message de son boss : faire la guerre au Kivu envers et contre tous, en faisant fi aux dispositions négociatrices des insurgés, qui ont été par ailleurs attaqués, et à l'opinion unanime de la communauté internationale qui, pour la énième fois prône la solution adéquate et convenable, la solution politique. En effet, Mr Holmes qui vient de passer 5 jours en RDC, affirme avec raison que « la solution militaire ne va pas s'attaquer aux causes profondes du conflit » et donc « elle ne représente pas une solution durable ». Et voilà le détail monumental que Kinshasa ne veut pas affronter, c'est-à-dire, faire face à une négociation politique qui abordera le problème depuis ses causes profondes. Ce n'est pas nécessaire de les exposer ici car elles ont déjà été détaillées par le chairman du CNDP dans ses interventions récentes devant l'opinion nationale et internationale. Par ailleurs tous les observateurs savent que les forces négatives contre lesquelles il combat en défense des congolais constituent un danger régional. La RDC ne peut ignorer une réalité aussi évidente et lourde des conséquences. Même Amnesty International, qui est devenu d'une ambiguïté manifeste dans ses positions, vient de reconnaître que le gouvernement congolais a déçu les peuples de l'Est du pays, le verbe anglais utilisé « have failed the people » se traduirait mieux par « a trahi » les espoirs du peuple.
Oui la guerre publicisée, planifiée et effectivement lancée par Kinshasa en lieu et place des négociations qui s'imposent est une guerre non seulement inutile mais aussi insuffisante. Inutile parce qu'elle ne résout en rien l'insécurité à l'Est, au contraire, elle l'aggrave en risquant de provoquer un malaise régional. Insuffisante pour plus d'un titre. Essayons une énumération. Et d'un, après des élections qui ont prétendument porté au pouvoir une majorité nette et une opposition clairement délimitée, c'est curieux que le chef de cette même opposition qui consacrerait l'avènement de la démocratie soit depuis cinq mois en situation d'exil sans garantie de son implication prochaine ou lointaine dans les affaires du pays. Si l'opposition issue des élections avec une représentativité non négligeable en chiffres est traitée de cette manière –et l'ont se souvient des tueries qui ont précédé le départ de son leader- l'on peut comprendre comment le pouvoir entend se comporter vis-à-vis des congolais qui osent formuler des requêtes légitimes là où leurs droits démocratiques se trouvent bafoués. Et de deux, le mois fatidique au cours duquel un bilan sur lequel la performance gouvernementale devait être jugée est arrivé. Les signes des 5 chantiers en marche eux semblent être en retard au rendez-vous. Après la spectaculaire annonce de ce rendez-vous via l'interview de François Soudan au chef de l'Etat, les optimistes comme moi avaient pensé qu'au moins deux préalables à ces chantiers auraient été résolus avant septembre. Il s'agit du retour de Jean Pierre Bemba et l'éradication des forces négatives dans le Kivu. Il est impossible de penser faire marcher le pays sans répondre à ces deux urgences. Et de trois, si l'expression est permise, la question des recettes allouées aux provinces. L'ambiguïté de la nouvelle constitution dans ses dispositions concernant la décentralisation constitue une autre bombe à retardement. Petit à petit, les congolais qui n'ont pas eu le temps de prendre connaissance de la constitution avant le referendum commencent à se poser des questions. Les surprises que contient ce texte ne seront pas agréables au peuple. La majorité au pouvoir semble débordée pour entamer une éducation constitutionnelle à échelle nationale. Elle est d'abord occupée à gérer ou à jongler les ambitions internes qui ne sont pas si faciles à maîtriser. Et de quatre, on ne sait toujours pas quel sera le sort du territoire de Kahemba. Sa cession à l'Angola malgré le constat de la commission Lumbala reste et demeure un gros point d'interrogation. S'elle est définitive, elle constitue un précédant qui risque de devenir une arme à double tranchant. Un précédent en termes de négociations internationales, même au niveau régional fait office de jurisprudence. Et de cinq, le mouvement BDK a été violement réprimé, mais ses revendications n'ont pas encore été abordées.
En conclusion, imposer une guerre aux kivutiens sous prétexte de ne pas accorder l'attention nécessaire au cahier des charges du CNDP, c'est emprunter une fausse route, une échappatoire, un prétexte pour ne pas devoir rendre compte du manque de résultats tangibles presque une année après une victoire si éclatante aux élections dites historiques en RDC. La construction de la Nation congolaise requiert un sens de justice, de courage, de constance, de vérité et de culture, de liberté et de solidarité encore absents chez un leadership qui se laisse entraîner par une vision égoïste et des préjugés, souvent incapable de résister aux formes multiples d'aliénation. Il ne suffit donc pas d'imposer autoritairement une guerre pour opérer un changement profond. Il faut d'abord susciter le désir de ces valeurs et cela se fait à travers le dialogue. La démagogie des ceux qui sont au pouvoir et des médias s'oppose encore trop largement à la formation intellectuelle et morale indispensable à des hommes libres, tolérants et solidaires.
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