Nathalie Mbenga
04/02/07
De sanglants affrontements dans l'ouest de la République démocratique du Congo (RDC) ont marqué les premiers pas dans le sang pour la troisième République de ce vaste pays d'Afrique centrale, où l'opposition dénonce déjà les signes de l'installation d'un régime de fer alors que la formation tant attendue du gouvernement semble dans la dernière ligne droite. De ce fait, un officier occidental a émis le voeu de voir le déploiement en masse de l´armée dans les rues d'une capitale traditionnellement hostile au camp présidentiel, au cas où la contestation politique prenait un tour violent à Kinshasa.
Les affrontements qui ont opposé cette semaine forces de l'ordre et partisans du mouvement politico-religieux Bundu dia Kongo (BDK), qui s'est allié au Mouvement de Libération du Congo (MLC, le parti d'opposition de Jean-Pierre Bemba) ont fait une centaine de morts, essentiellement des civils, dans la province du Bas-Congo (ouest), selon des sources hospitalières et diplomatiques.
La MONUC s'est déclarée extrêmement préoccupée par ces violences et a demandé aux forces de l'ordre de respecter (…) le principe de proportionnalité. Non officiellement, plusieurs de ses responsables ont dénoncé un massacre. L'armée a été lâchée dans la rue. C'est très dangereux parce qu'on n'a absolument pas réglé le problème politique qui est la base de ces violences, estime un diplomate occidental.
Ces violences laissent un goût amer, après des élections (en 2006) célébrées par le monde entier comme les premiers scrutins libres depuis plus de 40 ans, lance un responsable de la Mission de l'ONU en RDC (MONUC), pour qui le président Joseph Kabila a donné le ton du nouveau régime.
Si les manifestants se sont parfois montrés violents, s'attaquant au sièges locaux d'institutions, les habitants des villes affectées témoignent surtout de la brutalité de la répression orchestrée par l'armée, venue renforcer une police débordée. A Boma, à 50 km de la capitale provinciale Matadi, un habitant a décrit à l'AFP des gens (…) armés de bâtons en bois et de balais, résister face à des militaires.
De son côté, le MLC a déposé des recours contre les résultats à Matadi, mais aussi à Kinshasa, où il a aussi été défait bien qu'étant favori. Ce qui s'est passé au Bas-Congo peut arriver à Kinshasa, a prévenu samedi un cadre du MLC, Fidèle Babala.
En confisquant le pouvoir, ils ont créé les conditions d'une nouvelle rébellion dans un pays qui vient de sortir de la guerre (1998-2003), au lieu de s'atteler au développement. Nous n'accepterons pas de voir s'installer une dictature sans rien faire, surtout après ce qui s'est passé au Bas-Congo, a-t-il affirmé. M. Bemba, chef du MLC et adversaire malheureux de M. Kabila à la présidentielle, a appelé à une journée de deuil national lundi, à la mémoire des victimes du Bas-Congo. L'opposition commence à tester sa capacité de mobilisation populaire. Si le pouvoir continue à tout verrouiller, on se prépare à des journées chaudes, a estimé un autre diplomate. Pour un officier occidental, le pays est un vrai chaudron. Le Bas-Congo a vécu en deux jours une tuerie d'une ampleur inégalée en trois ans de transition, et reste très instable. Si la contestation politique prenait un tour violent à Kinshasa, la marge de manoeuvre de Kabila serait très étroite, estime-t-il, redoutant de voir l'armée déployée en masse dans les rues d'une capitale traditionnellement hostile au camp présidentiel.